Ubisoft ne laisse plus place au doute : quand vous achetez un jeu vidéo, vous n’en devenez pas propriétaire. C’est en tout cas la ligne de défense très claire adoptée par l’éditeur dans le cadre d’un procès en Californie autour de The Crew, un jeu de course en ligne sorti en 2014, dont les serveurs ont été définitivement fermés en 2024. Résultat : le jeu est devenu purement et simplement injouable, même en solo.
Deux joueurs ont intenté une action en justice, reprochant à Ubisoft d’avoir induit en erreur les consommateurs. Leur argument principal ? L’impression d’acheter un jeu pour de bon, alors qu’en réalité, il ne s’agissait que d’une licence d’utilisation limitée dans le temps. Un point que les avocats d’Ubisoft confirment sans détour : « Les joueurs n’ont jamais acquis de droits de propriété illimités. »
Dans sa réponse officielle déposée fin février, Ubisoft ne nie pas la fermeture du jeu. L’éditeur s’appuie même sur les informations imprimées sur certaines boîtes de The Crew, où figurait effectivement la mention d’un accès sous forme de licence. Pour Ubisoft, les choses ont toujours été claires : vous achetez un droit d’accès, pas le produit lui-même.
Mais pour les joueurs, ce n’est pas si simple. Le jeu affichait un code d’activation valable jusqu’en 2099, et le système de monnaie virtuelle ressemblait fort à une carte cadeau – ce qui, selon les lois californiennes, ne peut pas expirer. Des arguments que les plaignants ont intégrés dans une plainte amendée en mars, espérant relancer la procédure sous forme d’action collective.
Derrière ce bras de fer juridique se cache une question bien plus vaste : possédons-nous vraiment les jeux que nous achetons ? Le cas de The Crew rappelle à tous que l’ère du numérique a fait basculer la notion de propriété. Aujourd’hui, même un achat plein tarif ne garantit plus un accès durable. Et Ubisoft n’est pas un cas isolé : l’industrie dans son ensemble évolue dans cette direction, en particulier avec la montée en puissance des abonnements.
Alors, si acheter un jeu ne garantit pas de le garder, qu’en est-il du piratage ? Une question provocante, certes, mais que de plus en plus de joueurs se posent. Car dans les faits, une version crackée du jeu, installée localement, reste jouable… quand la version officielle, elle, disparaît à la première coupure de serveur.
Si acheter n’est pas posséder, alors le piratage n’est-il pas voler ?
Et surtout : à l’heure actuelle, la version piratée ne donne-t-elle pas davantage l’impression de véritablement posséder son jeu ? Une question dérangeante, mais de plus en plus légitime dans un monde où l’on paie pour du vent.