Quand on pense à Hideo Kojima, il y a de nombreuses choses qui nous viennent à l’esprit notamment les bons moments que nous avons passé sur la licence Metal Gear. Et on pense évidemment à son divorce avec l’éditeur Konami en 2015 qui a mené à l’annonce de Death Stranding quelques mois plus tard et la création du studio « Kojima Productions ».
Trois ans se sont écoulés depuis que les premières images de Death Stranding ont été montrées au public. Après moult présentations du jeu pour faire comprendre aux joueurs et la presse le concept, le premier jeu de Hideo Kojima « en tant qu’indépendant » est désormais disponible et en exclusivité sur PlayStation 4 (exclu console, une sortie PC est aussi prévue en 2020). Dans cette aventure où la vie et la mort sont intimement liées, les joueurs incarnent Sam Porter Bridges qui se voit confier la lourde tâche de reconnecter une Amérique qui a été dévastée par un phénomène surnaturel et qui a ouvert un passage à des entités spectrales vers le monde des vivants.
Ils apparaissent principalement dans les zones de précipitations, des pluies qui peuvent avoir des effets irréversibles sur la peau et accélérer le vieillissement des espèces vivantes. Ce qui oblige la plupart des gens à vivre dans des souterrains isolés pour éviter tout contact avec ces fameux spectres qui peuvent en plus causer des explosions dans le monde des vivants s’ils vous font basculer de l’autre côté.
Les seuls humains en surface sont les livreurs qui risquent leur vie pour transporter des vivres d’un endroit à l’autre ou pour emmener des corps aux incinérateurs pour éviter toute nécrose qui causerait le même effet que le contact d’un humain qui est emporté par des « échoués ». Sam, le héros de l’histoire est non seulement immortel, mais il porte aussi une capsule spéciale contenant un foetus qui lui permet de détecter plus facilement les menaces paranormales.
Dans ces conditions, le joueur doit donc parcourir le pays de ville en ville pour les connecter à un réseau appelé « chiral », une sorte d’Internet plus avancé qui a pour but de permettre la réunification de la nation. Ce qui doit former à terme les UCA (United Cities of America) ou les villes unies d’Amérique.
Plus qu’un jeu vidéo, une oeuvre cinématographique :
Au-delà d’en faire un jeu vidéo on sent clairement que Hideo Kojima et ses équipes cherchaient avant tout à faire une oeuvre cinématographique. Niveau réalisation et mise en scène c’est impeccable avec un casting d’acteurs 5 étoiles très impliqués dans leur rôle. Dans Death Stranding vous incarnez donc Sam, un porteur qui livre des colis pour la société Bridges. L’acteur qui prête ses traits au personnage n’est nul autre que Norman Reedus notamment connu pour son rôle dans la série The Walking Dead.
Mais Norman Reedus n’est pas le seul en tête d’affiche puisqu’on retrouve aussi dans cette aventure d’un nouveau genre Mads Mikkelsen que l’on a notamment vu dans James Bond ou encore Guillermo Del Toro réalisateur largement connu dans le monde entier. Côté femmes on retrouve Léa Seydoux dans le rôle de Fragile ou encore Lindsay Wagner en tant qu’Amélie…
Il n’y a pas à dire, Hideo Kojima sait comment bien s’entourer. Chacun de ces acteurs tient un rôle très important dans le jeu que Sam (et le joueur donc) côtoie très souvent au fil des 14 chapitres qui rythment le récit. Faisons une mention spéciale à Troy Baker qui incarne Higgs et qui est juste le personnage le plus impliqué et le plus réussi de tout le casting. Chaque apparition de Higgs fait monter la pression d’un cran, il incarne vraiment le méchant par excellence et que l’on aime détester.
Hideo Kojima voulait absolument avoir Norman Reedus comme « personnage principal » pour son jeu et après avoir passé plus de 50 heures avec lui dans Death Stranding, nous devons dire que c’est celui qui a le moins bon rôle au final… Son implication semble être plus en retrait que les autres. Il est là physiquement dans le jeu et bien représenté, mais ne dégage pas grand-chose. On est très très loin et même a des années-lumière d’un Snake ou d’un Big Boss dans la saga Metal Gear qui étaient des héros / antihéros exceptionnels.
Mais mise à part ce petit couac, la mise en scène est très propre et l’histoire réserve son lot de surprise avec une très belle finalité. Et l’histoire de Death Stranding, c’est bien ce qui nous pousse à avancer…
Un jeu où on livre des colis, c’est un nouveau concept :
Death Stranding c’est une sorte de nouveau concept qui n’a pas d’équivalent dans son genre. Vous transportez sur votre dos ou par d’autres moyens des objets que vous ramassez dans la nature, que vous avez fabriqués ou qu’on vous a confiés pour diverses raisons. Vous parcourrez donc les différents centres de distributions dans votre quête pour reconnecter le monde et faites des livraisons à travers tout le pays.
Ce qui est intéressant, c’est la gestion du personnage par rapport à l’environnement qui l’entoure. Le joueur doit avancer avec précaution et faire attention au centre de gravité de Sam pour qu’il ne trébuche pas par mégarde et abime la marchandise. Du coup vous devez constamment faire attention à votre équilibre en avançant doucement sur des terrains dangereux ou lorsque vous traversez une rivière au puissant courant qui pourrait vous mettre dans une bien mauvaise posture. On retrouve plusieurs éléments de game design intelligemment pensés qui donnent du sens à ce besoin de « prendre soin des marchandises » notamment en permettant aux joueurs d’avoir un grand contrôle sur les mouvements de Sam.
Vous pouvez attacher des objets sur vos épaules, vos hanches, votre dos et tenir en plus des caisses directement dans vos mains. Mais le mieux reste encore de laisser les mains libres pour que Sam maintienne bien la cargaison sur son dos lorsque le joueur appuie simultanément sur les deux gâchettes arrière de la manette. Mais attention, en perdant l’équilibre sur un terrain rocailleux il faudra contrebalancer entre les deux gâchettes pour aider Sam à retrouver une position stable avant la chute.
Death Stranding le jeu qui abuse de son propre concept :
Si le premier chapitre du jeu s’ouvre magistralement et vous donne la sensation que vous allez vivre une grande aventure. Les choses dégénèrent assez vite. On ne va pas vous le cacher, 80% du jeu vous le passez à faire des livraisons façon postier / livreur de chez chronopost en vous rendant d’un point A à un point B et en revenant « souvent » à votre point A, ni plus ni moins. Clairement, chaque fois que vous arrivez sur un lieu votre tâche est de prendre une nouvelle commande et de faire la prochaine livraison.
Au début c’est amusant, vous vous dites que le concept est bien pensé parce que vous devez faire attention à ramener vos colis en bon état et que la gestion du poids sur le personnage est primordiale pour garder l’équilibre sur des terrains pas toujours praticable. Du coup, vous utilisez votre scanner de terrain pour vous assurer que vous n’allez pas faire une mauvaise chute. En utilisant ce scanner, vous apercevez en effet une grille de couleur se former, des pointillés bleus signifient que le terrain est praticable, une couleur jaune montre qu’il y a un risque de perdre d’équilibre alors que les petites croix rouges indiquent que vous allez vous vautrer sur le sol.
Mais toute cette notion se perd au fil de la progression avec des véhicules / équipements qui vous permettent d’avancer en mode « No Brain » et que vous utilisez par « ras le bol » de faire toujours la même chose juste pour expédier le plus rapidement possible vos nouveaux colis. De toute façon, peu importe si votre colis a subi quelques dégâts, le jeu vous attribuera le rang maximal pour votre livraison « S » dans la majeure partie des cas.
Certaines fois on vous fait le coup du « attention, ce colis est fragile », « vous allez transporter une bombe » et autres, mais en réalité il suffit de mettre le colis bien au chaud dans un camion et votre livraison se passera sans le moindre encombre surtout si vous avez pris le temps de finaliser le réseau routier sur le serveur ou vous jouez ou les tâches sont partagés entre tous les joueurs connectés. Et précisons au passage que les camions dans Death Stranding ça monte aussi au sommet des montagnes sans grande difficulté à cause d’une physique des plus douteuses… Avec une bonne gestion du boost et des sauts, vous vous rendez n’importe où avec.
Si vous jouez sans les véhicules, le transport des colis est tout de même plus intéressant. Vous devez bien préparer votre expédition en prenant avec vous échelles et autres équipements pour traverser les rivières, monter au sommet des montagnes et traverser certains passages sans danger. Et c’est d’ailleurs la meilleure façon de jouer pour une vraie immersion. Mais dans tous les cas, à un moment vous serez tenté d’utiliser les véhicules qui facilitent grandement les choses… Peut-être même un petit peu de trop au risque de casser tout le délire initial.
Notons aussi que le jeu intègre un système d’appréciations qui permet d’améliorer le rang de livreur du joueur (et de Sam). Plus une livraison est « propre » et plus le compteur de like augmente à la fin.
Ce qui vous permet de gagner des étoiles dans chaque centre de distributions que vous avez reconnecté au réseau chiral. Un certain nombre d’étoiles donne accès à de nouveaux équipements, des exosquelettes et bien d’autres qui viennent toujours plus renforcer le gameplay et faciliter les livraisons futures.
C’est aussi une façon de se comparer aux autres joueurs qui sont connectés au même serveur que vous. Un certain nombre de joueurs sont mis ensemble via un « pont de connexion ». On peut donc comparer le nombre de like reçu ou simplement consulter le nombre d’appréciations reçues de l’IA du jeu, mais aussi des autres joueurs. Plus vous placez des constructions utiles et participez à la construction du réseau routier, et plus vous avez de chance de recevoir énormément de Likes de la part des autres.
Grâce au multijoueur asynchrone, vous verrez apparaitre des choses dans votre monde, des échelles et des cordes d’escalade ou des ponts construits par d’autres joueurs ce qui vous permettra de vous déplacer plus rapidement. Vous pouvez aussi resserrer vos liens avec les autres en recevant un maximum de likes ce qui vous permet à terme d’améliorer vos échanges avec eux.
De simulateur de marche à jeu d’action :
Heureusement, Death Stranding n’est pas seulement un simulateur de marche. Si vous avez le courage de dépasser les trois premiers chapitres du jeu, vous commencez à débloquer un certain nombre d’équipements et vos premières armes qui vous permettront de véritablement vous défendre des dangers de ce monde hostile. À terme, vous êtes en mesure d’envoyer les « échoués » dans le royaume des morts pour de bon et prendre d’assauts des camps de MULEs, un groupe de terroristes humains qui en auront après vos colis chaque fois qu’ils vous détecteront. Sauf que cette fois, avec des armes c’est vous qui viendrez pour piller tous les matériaux qu’ils stockent dans leur camp. Si pour vos premiers affrontements contre les échoués et les MULEs le jeu tente de vous impressionner, vous vous rendez compte très vite que ces menaces sont prévisibles et peuvent être facilement esquivées. Pire, à mesure que vous débloquez des armes ils n’ont plus rien d’une menace…
Malheureusement, il n’est pas très recommandé de jouer en difficulté « normale » à Death Stranding. Le jeu est vraiment trop facile ou nous conseillons aux nouveaux joueurs d’opter directement pour le mode difficile qui apportera un peu plus d’intensité aux affrontements. Notez que le jeu est ponctué de plusieurs affrontements de boss… Au-delà de la simulation de marche des premières heures, l’action se montre bien plus présente dans la seconde partie du jeu rendant le tout moins redondant bien que ça arrive un peu tard.
★ En conclusion, Death Stranding, le chef-d’oeuvre attendu par les joueurs ?
Death Stranding est un bon jeu, mais il n’arrive certainement pas à la cheville d’un Metal Gear malgré toutes les bonnes volontés du nouveau studio « Kojima Productions ». Le gameplay est très réussi dans son ensemble avec des tonnes d’idées que le joueur peut exploiter de bien différentes façons et le scénario constitue certainement le plus gros point fort de cette production au casting 5 étoiles…
Le problème vient surtout dans le rythme de la progression et la répétitivité du titre qui a bien failli avoir raison de nous à plusieurs reprises. Les allées et retours incessants font peine à voir, de même que le joueur est pris pour un livreur chronopost… Et ce, pendant une bonne quarantaine d’heures de jeu, ce qui est tout bonnement inacceptable… Il n’y a que dans les derniers chapitres ou l’action décolle vraiment avec quelques passages assez mémorables. Malheureusement, un hit comme « Metal Gear Solid 3 Snake Eater » n’est pas devenu le chef-d’oeuvre que l’on connait en faisant faire des tâches rébarbatives aux joueurs sur l’ensemble de son aventure.
De notre point de vue, Death Stranding est un jeu à faire une seule fois pour son histoire et le côté « curiosité » et « contemplatif » qu’il apporte. Demandez-nous aujourd’hui de repartir depuis le premier chapitre pour recommencer à faire des allées retours et livrer plus de colis qu’un livreur chronopost dans toute sa carrière et ce sera non. Comme dit plus haut, le gameplay est bon et les idées sont là, c’est l’aspect répétitivité qui est à déplorer et qui fait chuter la note.